Vous le savez, dans le monde de la franchise, les relations entre franchiseurs et franchisés sont parfois complexes, surtout lorsqu’il s’agit de zones d’exclusivité ou de transparence d’informations. Deux récents arrêts de la Cour de cassation viennent apporter un éclairage important sur ces sujets.
- Le premier, rendu le 5 juin 2024 (n°22-20.930), souligne que même sans clause d’exclusivité territoriale, un franchiseur doit respecter son obligation de loyauté envers ses franchisés.
- Le second, du 26 juin 2024 (n°23-14.085), rappelle l’importance de transmettre toutes les informations pertinentes au futur franchisé, notamment si ces informations sont susceptibles de remettre en question son engagement.
Ces décisions invitent les franchiseurs à faire preuve de transparence et de bonne foi, et nous montrent que la protection des franchisés passe avant tout par une communication claire et loyale.
François-Luc Simon
Associé-Gérant SIMON ASSOCIÉS, Docteur en droit et Expert FFF et FCA revient pour vous sur ces deux décisions de la Cour 🤓
Arrêt Cour com, 5 juin 2024, n°22-20.930 :
Ce qu'il faut retenir
Manque à son obligation de loyauté et de bonne foi la tête de réseau ayant agréé l’implantation d’un point de vente concurrent à proximité immédiate d’un premier point de vente agréé, et ce malgré l’absence d’exclusivité territoriale.
Pour aller plus loin
Dans cette affaire, la Française des Jeux (FDJ) avait conclu un contrat pour la commercialisation de jeux de hasard avec un commerçant exerçant son activité au sein d’un fonds de commerce de tabac-presse ; ce contrat ne comportait aucune exclusivité territoriale. Dans ce contexte, la FDJ avait ensuite consenti un contrat de même nature avec une société exploitant un hôtel-restaurant situé à proximité immédiate de ce précédent commerçant. Celui-ci avait assigné la FDJ, qui lui avait opposé qu’elle demeurait libre d’implanter tout nouveau point de vente, y compris dans sa zone de chalandise, faute d’exclusivité territoriale.
La Cour d’appel de Versailles avait retenu la responsabilité contractuelle de la FDJ et l’avait condamnée à payer au commerçant des dommages et intérêts (CA Versailles, 12 ème ch., 16 juin 2022, n°20/06466).
Confirmation (!) : la décision commentée (Cass com., 5 juin 2024, n° 22-20.930) rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles.
Sur le fondement de la bonne foi, prévue par l’article 1134, alinéa 3 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la Cour de cassation met en balance la prérogative contractuelle de la FDJ d’implanter un nouveau point de vente avec son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat conclu avec le commerçant. Compte tenu de la très grande proximité des deux points de vente, séparés en l’espèce par une distance de quinze mètres, et du risque de transfert des clients, elle en déduit le manquement à son obligation de loyauté par la FDJ.
Arrêt Cour com, 26 juin 2024, n°23-14.085 :
Ce qu'il faut retenir
Le franchiseur doit transmettre au candidat franchisé toutes les informations déterminantes de son consentement, y compris lorsque le franchiseur a eu connaissance de ces informations entre la date de remise du DIP et la signature du contrat de franchise.
Pour aller plus loin
Dans cette affaire, une société franchisée avait rencontré des difficultés financières avant d’être placée en liquidation judiciaire. Les associés de la société franchisée avaient assigné le franchiseur pour obtenir la nullité du contrat de franchise pour dol, considérant ne pas avoir été informés, pendant la phase précontractuelle, de la situation financière obérée de certains membres du réseau.
La Cour d’appel de Paris avait rejeté cette demande en relevant que le DIP transmis par le franchiseur était conforme aux articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce (CA Paris, 5-4, 4 janvier 2023, n°20/11055).
Rebondissement (!) : la décision commentée (Cass.com., 26 juin 2024, n°23-14.085, Publié au Bulletin) casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en lui faisant grief de ne pas avoir recherché si le franchiseur « n’avait pas gardé intentionnellement le silence sur les procédures collectives survenues dans le réseau après la remise du DIP et avant la signature du contrat de franchise et si cette information n’aurait pas dissuadé [le franchisé] de contracter ».
Ainsi, par exemple, le franchiseur qui garde intentionnellement le silence sur les procédures collectives survenues dans le réseau après la remise du DIP et avant la signature du contrat de franchise est l’auteur d’un dol dès lors que la transmission de cette information au candidat franchisé l’aurait dissuadé de contracter.
De manière plus générale, toute information survenue après la remise du DIP et avant la signature du contrat de franchise, peut emporter la nullité du contrat s’il est démontré que le candidat franchisé n’aurait pas signé s’il en avait eu connaissance.